L’endettement, une problématique majeure
L’endettement public au Cameroun est devenu une problématique majeure dans le cadre des relations de coopération entre ce pays d’Afrique centrale et la communauté internationale. Sur place dans le pays, bien qu’étant à la fois pointu et complexe, le sujet alimente également les conversations, aussi bien dans les salons huppés, les arcanes du pouvoir que les débits de boisson du quartier.

Bref, au Cameroun, l’endettement public est devenu un sujet qui intéresse visiblement tout le monde, surtout depuis l’atteinte du fameux point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) en 2006. Cette initiative de remise de la dette multilatérale et bilatérale mise en place par le Fonds monétaire international (FMI), avait permis au pays de sortir d’un long et difficile programme d’ajustement structurel, consécutif à un endettement devenu insoutenable.
Mais, au-delà de cet intérêt des Camerounais et des partenaires du Cameroun pour la dette publique, l’endettement de la locomotive économique de la Cemac semble inquiéter. Non pas à cause du bien- fondé de cet endettement, encore moins son volume jusqu’ici soutenable, comme s’en défendent les autorités publiques ; mais au moins, par exemple, à cause du volume astronomique des nancements
disponibles que le pays n’arrivent cependant pas à capitaliser.
C’est dans l’optique de jeter davantage de lumière sur ce sujet devenue une véritable préoccupation, que dans cette somme, investir au Cameroun se propose de vous balader dans les dédales de l’endettement public au Cameroun. Sur la base des statistiques officielles les plus récentes, les ressorts de cet endettement si rapide pour certains, si opportun pour d’autres, si dangereux pour certains autres, font également l’objet d’une tentative de décryptage dans le cadre du présent dossier.
Une dette « viable » estimée à 5 464 milliards FCFA au 30 juin 2017
Dans sa note de conjoncture économique du mois d’octobre, la Caisse autonome d’amortissement (CAA), organisme public en charge de la gestion de la dette publique au Cameroun, soutient qu’au
30 juin 2017, « la dette du Cameroun demeure viable avec un risque de surendettement modéré ».
Selon la même source, l’encours de la dette publique et à garantie publique du pays, au cours de la période considérée, s’élève à 5 464 milliards de francs CFA, soit 30,6% du PIB. Ce qui est largement en deçà du plafond d’endettement de 70% prescrit dans le cadre des critères de convergence des six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), dont le Cameroun est la locomotive économique.
Dans le détail, selon la CAA, à la fin du 2ème trimestre 2017, le portefeuille de la créance publique du Cameroun se compose de 78,3% de dette libellée en devises étrangères, contre 21,7% en monnaie locale. Même si cela traduit « un risque certain de change », le gestionnaire de la dette publique note que « la dette libellée en euro, constituant plus de 26% dudit portefeuille, vient atténuer ce risque en raison de la parité entre le franc CFA et l’euro ».
Par ailleurs, apprend-on de la même source, la part de la dette publique mobilisée à taux d’intérêt variable représente désormais 22,8%, contre 18% un an plus tôt, traduisant ainsi une légère augmentation du risque de taux. « Cependant, ce risque demeure maîtrisé », conclut la CAA.
La Chine, premier prêteur du Cameroun avec 67% de la dette bilatérale
Au plan bilatéral, la dette publique camerounaise est estimée, à fin juin 2017, à 2 033,2 milliards de francs CFA. Ce montant est en augmentation de 2,1% en glissement trimestriel, et de 13,8% en glissement annuel, tiré principalement par deux bailleurs de fonds.
Il s’agit notamment de la Chine (hausse de 3% en glissement trimes- triel et 14,5% en glissement annuel), et de la France (1,5% en glissement trimestriel et 17,4% en glissement annuel). « Le leadership de la Chine au niveau bilatéral se caractérise par un encours de 1 375,9 milliards de francs CFA, soit 67,7% de la dette bilatérale correspondant à 34,4% de l’encours de la dette extérieure », souligne l’organisme public en charge de la gestion de la dette publique au Cameroun.
Le positionnement de la France, juste derrière l’empire du Milieu, avec 542,9 milliards de francs CFA (soit 13,6% de la dette extérieure et 26,7% de la dette bilatérale), s’explique en partie par l’encours du Contrat désendettement (C2D), souligne la même source.
Malgré des subventions qui atteignent 1% du PIB, les entreprises publiques sont très endettées

Dans un document intitulé « Débloquer le potentiel de croissance du Cameroun », dans lequel il montre les voies pouvant aider le Cameroun à sortir de la mauvaise passe dans laquelle le pays se trouve actuelle- ment, à cause de la crise des prix des matières premières, le directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), le Japonais Mitsuhiro Furusawa, soutient que bon nombre d’entreprises publiques camerounaises « souffrent d’un endettement élevé et affichent des arriérés ». A l’en croire, seuls « une amélioration de l’information financière et un renforcement de la surveillance de la gestion de ces entreprises protégeront le budget de l’Etat contre les passifs conditionnels qui y sont liés ».
En effet, la pratique courante dans le pays veut que l’Etat, dont la signa- ture est toujours bien cotée sur les marchés des capitaux, garantisse les crédits contractés par les 127 entreprises et autres établissements publics administratifs relevant de son portefeuille. Il n’est donc pas rare que, par divers mécanismes, l’Etat
se retrouve à payer, sous forme de subventions, des dettes contractées par des entreprises publiques lorsque celles-ci sont dans l’incapacité de payer.
Le cas le plus patent, ces dernières années, est le payement par le Trésor public, de manière répétée depuis 2011, des dettes réclamées par les fournisseurs de Camair Co, la compagnie aérienne détenue à 100% par l’Etat, et dont l’endettement est officiellement évalué à environ 35 milliards de francs CFA. Cette manière de mettre la trésorerie publique au service d’entreprises censées pourtant payer des dividendes à son actionnaire principal, et qui Mitsuhiro Furusawa, soutient que bon nombre d’entreprises publiques camerounaises « souffrent d’un endettement élevé et affichent des arriérés ».
Et qui ont, en plus de cela, la réputation de réaliser de « piètres résultats », selon un rapport du FMI de 2013, met à mal les finances publiques, surtout dans le contexte actuel marqué par une baisse continue des recettes publiques. Bref, avait déjà fait remarquer Elung Paul Ché au cours d’un conseil
de cabinet tenu le 25 février 2016 à Yaoundé, « l’accroissement de l’endettement » de ces entreprises
« pourrait, à moyen terme, constituer un risque pour le budget de l’Etat ».
Le ministre délégué auprès du ministre des Finances avait été invité à exposer sur « la performance dans la gestion » des sociétés d’Etat, au cours de cette grande messe du gouvernement camerounais. « En vue d’une plus grande efficience, les entreprises devraient recourir de moins en moins aux subventions provenant du budget de l’Etat, et élargir leurs outils de financement, en s’orientant vers les formules nouvelles comme les prêts non souverains des partenaires au développement ou des banques privées », avait conseillé Elung Paul Ché dans son exposé. Selon le directeur général adjoint du FMI, ces subventions allouées par l’Etat camerounais aux entreprises relevant de son portefeuille « représentent environ 1% du PIB » du pays.
En considérant le PIB du Cameroun en 2015, estimé à environ 15 000 milliards de francs CFA par le FMI, l’on peut mathématiquement évaluer le volume des subventions annuellement octroyées par l’Etat à ses entreprises, à environ 150 milliards de francs CFA, soit bien plus que les 110 milliards de francs CFA investis dans la construction du second pont sur le Wouri, à Douala, qui fut pendant des années réclamées par les opérateurs économiques.
Brice R. Mbodiam pour Investir au Cameroun
Vous avez un projet de développement au Cameroun ?
Avec Morio Consulting, lancez-vous en toute confiance sur le marché Camerounais