Promoteur de la chocolaterie "La Reine Astrid", située dans la localité de Meudon, en France, ce maître chocolatier transforme des fèves camerounaises depuis septembre 2016, dans son atelier de Savigny- sur-Orge (Essonne). Il est à l’origine d’un partenariat qui lie désormais la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France à des cacaoculteurs camerounais. Evocation d’une collaboration qui s’annonce fructueuse.

Investir au Cameroun : Comment avez-vous découvert le cacao camerounais ?
Christophe Bertrand : Un jour, j’ai été contacté sur Facebook par une productrice camerounaise du nom d’Aristide Tchemtchoua. Comme vous pouvez le constater, Facebook ne sert pas seulement à se faire des amis, il sert également à faire du business. Cette productrice m’a proposé d’acheter son cacao. Au début, j’ai cru à une blague. Je lui ai dit qu’il me plairait bien d’acheter son cacao, mais qu’il fallait qu’elle me l’envoie d’abord pour que je paye par la suite. Elle a eu le courage de le faire. Et ça, c’est tout à fait louable d’avoir eu cette audace, d’avoir pris ce risque. Elle ne me connaissait pas. Je suis en France et elle a emprunté de l’argent pour payer les frais de transport des fèves qu’elle a envoyées.
J’ai trouvé cela assez incroyable. Quand j’ai reçu ses fèves, nous avons fabriqué un chocolat assez intéressant, même s’il manquait un peu de rondeur en bouche, parce qu’il n’avait pas été bien fermenté. On s’est dit qu’il fallait aider Aristide et les autres producteurs à améliorer la qualité de leur cacao.
C’est comme cela que j’ai débarqué au Cameroun avec trois confrères de la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose pour que le cacao camerounais ne soit plus victime des cours de la bourse à Londres. Mais, qu’il devienne un produit de qualité supérieure, grâce à une bonne fermentation.
IC : Qu’est-ce que la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France entend apporter aux producteurs de cacao au Cameroun ?
CB : La première chose que nous allons faire c’est une communication de l’image. Aujourd’hui, le cacao du Cameroun n’est pas connu. Nous, les chocolatiers français, comptons parmi les leaders de ce marché au niveau mondial. De ce point de vue, je pense que si les chocolatiers français commencent à parler du cacao camerounais comme étant un produit de qualité, avec une spécificité aromatique et une rondeur
en bouche intéressantes, pourquoi ne pas imaginer que demain les Américains et les chocolatiers d’autres pays se disent : « mais, qu’est- ce qui se passe avec les chocolatiers français et le cacao camerounais ? » C’est typiquement de la communication de l’image : placer le cacao camerounais à un niveau où il n’était pas jusqu’à présent.
La 2ème chose, c’est que nous allons organiser, d’ici le mois de janvier au Cameroun, un voyage avec ce qu’on appelle des couverturiers. Ce sont de gros chocolatiers qui produisent et vendent du chocolat pour des chocolatiers qui ne font pas ce métier là. Nous pensons également à organiser un voyage avec tous les chocolatiers français qui transforment eux-mêmes les fèves de cacao. Quand on organise ce type de voyage, il y a des liens qui se créent entre producteurs et chocolatiers, qui peuvent donc facilement devenir acheteur de fèves locales.
Dans le même temps, on va aider les producteurs à bien fermenter leurs fèves, de manière à pouvoir améliorer la palette aromatique du cacao camerounais. Pour l’instant, il a un goût très prononcé, ce qui est assez typique de l’Afrique. Mais, il lui manque une palette aromatique, c’est-à-dire quelque chose qui vous chatouille un peu les papilles gustatives.
IC : Y a-t-il, en France, d’autres chocolatiers qui transforment du cacao en provenance du Cameroun ?
CB : Je pense que je suis le premier en France à transformer le cacao camerounais. Il y a du cacao transformé dans la zone de Penja (dans la région du Littoral du Cameroun, ndlr), qui est un tout petit peu vendu en France (il est produit par la PHP, filiale camerounaise de la Compagnie fruitière de Marseille, ndlr). On le trouve dans quelques boutiques, mais je suis le premier à avoir transformé des fèves camerounaises en chocolat en France, pour les vendre sous l’appellation « le cacao du Cameroun ». Avant cela, peut-être que les consommateurs français mangeaient du cacao camerounais sans le savoir, parce qu’il était noyé dans un produit appelé chocolat.
Nous allons poursuivre cette communication sur le cacao du Cameroun. Par exemple, la Confédération des chocolatiers français a un stand sur un salon qui s’appelle Europa, qui va se dérouler à Paris en février 2018. C’est un énorme salon de l’agroalimentaire, qui réunit tous les opérateurs de ce qui est pâtisserie, boulangerie, etc. Sur notre stand, nous allons avoir une communication sur le cacao du Cameroun, en présence peut-être d’un responsable du Conseil interprofessionnel du cacao et du café du Cameroun. A cette occasion, nous dirons à tous les pâtissiers et boulangers présents que le cacao du Cameroun existe et qu’il est bon.
IC : Quel type d’accueil vos consommateurs ont réservé à ce chocolat que vous avez baptisé « le cacao du Cameroun », et quelles spéci cités renferment les fèves ayant permis de le fabriquer ?
CB : Ils ont été très surpris de sa qualité. Ils s’attendaient à avoir un chocolat plus amer, ce qui n’est pas du tout le cas. C’est un cacao qui vous permet d’avoir un chocolat très bon, rond en bouche. Il n’a ni amertume excessive, ni acidité particulière. Il faut simplement améliorer sa palette aromatique.
IC : Par rapport à d’autres origines avec lesquelles vous travaillez, où placez-vous les fèves camerou- naises ? Meilleure qualité, qualité moyenne ou alors carrément au bas de l’échelle ?
CB : Les fèves que j’ai reçues n’étaient pas mal. Mais on va travailler à les amener au haut niveau. Pour cela, elles doivent être bien fermentées, puisque la fermentation est l’élément critique pour le goût du cacao. On s’en fiche un peu des variétés. Mais, je suis mille fois convaincu qu’il existe une clientèle au Cameroun pour manger du chocolat de qualité.
IC : Vous achetez du cacao au Cameroun pour le transformer en France. Est-ce qu’il n’est pas envisageable de le transformer localement, en montant une usine, par exemple ?
CB : Je crois qu’il y a des initiatives en cours dans ce sens. Moi, je gère une petite unité de transformation. Je suis un petit artisan. C’est effectivement souhaitable que la valeur ajoutée se fasse dans les pays producteurs.
IC : Vous êtes devenu partenaire d’un groupe de producteurs d’une petite localité dans la région du Centre du Cameroun, qui produit environ 200 tonnes de fèves par an. Est-ce une quantité intéressante pour vous ?
CB : C’est une quantité beaucoup trop importante pour moi. J’en ai pris 200 kilos l’année dernière. Cette année, je prendrais 700 kilos et l’année prochaine j’envisage de prendre cinq tonnes. Dans mon usine, je fais 20 tonnes de cacao par an. Mais j’ai besoin de garder un certain nombre d’origines différentes, pour que mes consommateurs aient une variété de choix.
Maintenant, les transformateurs que nous allons amener au Cameroun au cours des différents voyages que nous comptons organiser, auront la capacité d’acheter des volumes de fèves beaucoup plus importants.
Entretien avec Brice R. Mbodiam pour investir au cameroun
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