Ici, la, partout, au four et au moulin, on a l'impression d'être le Shiva de notre boite. Illusion ou réalité ?
REGARD DE LA PSYCHOLOGUE
"On en fait parfois tant qu'on oublie tout ce que les autres font, eux aussi, de leur coté" dit Claude de Scoraille, coauteur de Quand le travail fait mal
"Celui ou celle qui a l'impression d'en faire toujours plus que les autres est souvent une personne très engagée dans le travail, toujours mobilisée. Concentrée sur la tache à accomplir et sur son propre investissement, elle manque de recul qui lui permettrait de considérer l'action des autres. Ce profil est du pain béni pour les entreprises : il cherche à dépasser ses limites, il est dévoué, fiable, on peut compter sur lui. Cet atlas qui tient la voute céleste de l'entreprise est aussi un candidat à l'épuisement professionnel et aux difficultés relationnelles (les autres pourront rétorquer que personne ne lui impose ça.)
Qu'est-ce que cela révèle ? Sans doute un manque de confiance en soi, la peur de décevoir, un syndrome d'imposture qu'on tente de masquer par le surtravail. On compense par le surcroit, on est un "drogué" qui s'ignore. Difficile d'en sortir car les collègues ont pris l'habitude de cette disponibilité et de ces exploits. Pour changer en douceur, cette personne doit s'accorder cinq minutes de réflexion avant de tout accepter. Le temps de peser les priorités. Il lui faut apprendre à en faire moins pour faire mieux."

LE REGARD DU CONSULTANT
"Quantité ne rime pas toujours avec qualité : on se noie souvent dans les taches inutiles" Jean-Louis Muller, Consultant Senior en management, expert auprès de CEGOS
"D'abord, ça peut être un problème de perception. On s'agite tant qu'on ne voit plus les autres autour. Il est fort possible qu'on se noie dans les détails, qu'on souffre d'hyperactivité, et les outils numériques n'arrangent rien. Croyant bien faire, on se jette souvent sur des taches sans valeur ajoutée. On se verra doublé par les collaborateurs qui, eux ont le sens des priorités. Et on peut développer un sentiment d'injustice : des gens relax sont mieux vus et promus plus vite que nous, qui nous tuons pourtant à la tache. Le profil est celui d'un Sisyphe qui, malgré lui, s'attache plus à l'effort qu'au succès d'un projet. S'il s'agit d'un manager, cela révèle une difficulté à déléguer, il se laisse piloter par les évenements pendant que ses équipes restent à l'arrêt.
C'est un candidat au burn-out qui résumera ainsi son dépit : "J'ai bossé comme une bête et je n'ai jamais avancé sur rien". Il va falloir se reprogrammer, considérer qu'on y arrive mieux avec le concours de tout le monde. Et si notre attitude a fini par rendre les collègues paresseux, il faut aller les voir, non pour se lamenter (on est en parti responsable), ni pour accuser, mais pour exprimer ce qu'on ressent à la première personne, et conclure en usant du "nous", qui implique."